L’Académie de médecine veut réformer l’adoption lit-on dans la presse :
Dans un rapport qui doit être publié ce mardi, l’Académie de médecine dénonce les failles du dispositif français en ce qui concerne l’adoption. En effet, chaque année des enfants bien qu’ils soient en situation de souffrance ou délaissés par leurs parents ne peuvent être adoptables. Lire la suite….
Un nouveau plaidoyer pour l’adoption nationale
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Une dizaine de pages pour réformer l’adoption d’enfants nés en France. Mardi, l’Académie de médecine a adopté en séance plénière à la quasi-unanimité un rapport sur l’adoption nationale intitulé «Faciliter l’adoption nationale». Ce sujet, éminemment délicat et qui reste loin de faire l’unanimité, a déjà été abordé il y a trois ans dans le rapport de Jean-Marie Colombani, puis dans deux rapports de l’Igas et de l’Oned. En 2009, Nadine Morano, alors secrétaire d’État à la Famille, a présenté un projet de loi sur le sujet, toujours en attente de passer au Parlement.
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Les points clé du rapport
Quelques chiffres
Les auteurs comparent les évolutions respectives de l’adoption au plan national (de 1 749 adoptions en 1985 à 726 en 2008) et de l’adoption au plan international qui a quadruplé dans la même période.
Ils s’appuient sur l’enquête de l’ONED et relèvent qu’actuellement 250 à 300 000 mineurs font l’objet d’une mesure de protection de l’enfance, alors que seulement 132 d’entre eux ont été adoptés en 2008… Dans le même temps 20 à 30 000 familles postulent à l’adoption.
Pour expliquer ce décalage entre le nombre d’enfants qui pourraient être proposés à l’adoption (l’adoption est une mesure de protection de l’enfance, NDLR) et ceux qui le sont réellement, les auteurs retracent l’organigramme des différentes responsabilités en la matière, des circuits administratifs et relèvent les points faibles du dispositif (complexité, dilution des responsabilités, cloisonnement des filières et des services, hétérogénéité des systèmes selon les départements, lenteur du processus…).
« Ce n’est en moyenne qu’après cinq ou six ans de suivi que l’enfant en souffrance peut accéder au statut de Pupille de l’Etat. Il entre alors, en raison de son âge, dans la catégorie des « enfants à particularités » qui ont peu de chances d’être adoptés »
Deux cas de figure sont ensuite analysés :
- celui de la maltraitance avérée (19 à 20 000 enfants signalés en moyenne chaque année),
- celui du désintérêt parental.
1. Maltraitance avérée
Le rapport pointe le fait que les médecins s’abritent trop souvent derrière le secret médical (qui comporte des dérogations dont celle qui concerne les sévices sur mineurs) – seulement 3 {06029a1aca5709a3e39445ff5fed903a7dc7dd6becab3fd2c91146de53a862d2} des signalements émanent des médecins…
Les auteurs rappellent également que le retrait des droits parentaux est très rarement prononcé au profit des mesures de maintien dans la famille (sur les 132 enfants « en danger » proposés à l’adoption en 2008, 6 seulement l’avaient été après retrait de l’autorité parentale).
Cet état de fait est lié à l’interprétation qui est faite par les juges de « l’intérêt supérieur de l’enfant », de l’article 375-2 du code civil et de la considération de l’importance du lien biologique : « tout dépend, en dernière analyse, des particularités de la situation et des convictions des décideurs » soulignent les rapporteurs.
« Mais on peut aussi estimer que « l’intérêt supérieur de l’enfant » commande de remplacer le plus rapidement possible une famille pathologique, dangereuse et véritable « école de la violence » par une famille responsable et généreuse. C’est le but de l’adoption ».
2. Désintérêt parental
Dans le cas de désintérêt parental, qui constitue du point de vue des pédo-psychiatres, une forme de maltraitance psychologique, les auteurs relèvent que la mise sous tutelle de l’enfant – statut peu protecteur- est généralement préférée à la déclaration judiciaire d’abandon.
Les enfants sont alors placés en famille d’accueil et des rencontres avec leurs parents sont organisées en présence d’un éducateur – les enfants peuvent parfois vivre très mal ces rencontres….
Par ailleurs, il existe une réelle inégalité de qualité entre les familles d’accueil et les enfants sont le plus souvent soumis à de multiples (dé) placements. Tous ces facteurs allant dans le sens d’une déstabilisation des enfants…
« De plus, la tutelle cesse à la majorité, l’adolescent se retrouve alors sans famille. 30 {06029a1aca5709a3e39445ff5fed903a7dc7dd6becab3fd2c91146de53a862d2} des SDF sont d’anciens enfants placés » (p. 7), remarquent les auteurs posant la question « l’adoption ne constitue-t-elle pas une solution autrement constructive ? »
Accouchement sous secret menacé
Les rapporteurs soulignent également que l’accouchement sous secret est actuellement menacé, or « c’est un secours pour les femmes en difficulté qui ne peuvent assumer la charge qu’amènerait la présence de cet enfant, cela pour des motifs divers, mais qui refusent avortement et infanticide » (p. 8).
Les recommandations du rapport
Les rapporteurs recommandent :
- de simplifier les structures et d’harmoniser les pratiques,
- de faire en sorte que les juges aient une expérience du terrain,
- en cas de sévices avérés, de prononcer sans délai un retrait des droits parentaux,
- de modifier l’article 226-14-1° du code de déontologie médicale de manière à rendre obligatoire le signalement de sévices sur mineur,
- d’évaluer tous les six mois le désintérêt parental afin de permettre une admission en qualité de Pupille et une adoption,
- la création d’une filière de familles d’accueil bénévoles, choisies parmi les candidats à l’adoption : « cette disposition permettrait aux candidats de montrer la priorité qu’ils accordent au bonheur de l’enfant et donnerait à l’adoption son véritable sens : donner une famille à un enfant et non l’inverse »,
- de rendre l’adoption simple irrévocable (l’objectif étant de permettre à l’enfant l’accès à ses origines tout en lui donnant une nouvelle famille),
- de maintenir l’accouchement sous secret,
- de renforcer le rôle du CSA en tant que structure de pilotage des dispositifs sur le territoire français,
- de créer dans chaque département un « observatoire de l’adoption » qui fournirait au CSA les données actualisées nécessaire à ce pilotage.
Notre analyse
Ce rapport a le grand mérite de donner la parole à la profession médicale, rarement entendue mais pleinement légitime sur la question de la santé des enfants. Par ailleurs il ranime un sujet qui, quand il est évoqué, est très rapidement refermé…
Le rapport rappelle utilement les freins institutionnels et les freins idéologiques qui font écueil à une prise en charge respectueuse des besoins des enfants en danger :
- La complexité des circuits et structures : ce fait est connu et analysé depuis longtemps (rapports Mattéi, Colombani ….) mais non traité. L’organigramme de « l’itinéraire de l’enfant en danger » est de ce point de vue particulièrement édifiant ! Il s’apparente plus à un terrible jeu de piste qu’à un processus administratif, social et juridique raisonné et ciblé vers un objectif : le rétablissement d’une situation où l’enfant pourra grandir normalement dans un univers sécurisant.
- La valorisation idéologique du lien biologique qui pèse sur l’ensemble du système de protection de l’enfance sans jamais faire l’objet d’un réel débat démocratique.
Le rapport donne quelques pistes de travail sur le premier point mais il nous paraît important de souligner que si la simplification des structures et des procédures est nécessaire, elle ne permettra jamais à elle seule de lever l’ensemble des obstacles qui sont évoqués. Pour les institutions concernées et pour les hommes et femmes qui y travaillent, c’est le regard porté sur l’adoption elle-même qui doit évoluer.
Il en va de même pour ce qui est de la proposition de créer une nouvelle filière « de familles d’accueil de personnes agréées » pouvant évoluer vers l’adoption. La confusion risque de se faire entre accueil temporaire et adoption définitive: la famille adoptive se constitue pour la vie, c’est un projet durable, elle ne doit pas dériver vers «un temporaire qui dure faute de mieux ». L’accueil permanent d’enfants placés est un métier (c’est à ce titre qu’il est rétribué) et un accompagnement est mis en place (au-delà de la formation obligatoire de 240 heures). Une filière « familles adoptives bénévoles » constituerait à n’en pas douter une sérieuse réduction des dépenses des Conseils Généraux. Et cette formule pourrait représenter un espoir pour les familles postulant à l’adoption : on réduirait ainsi le nombre de postulants déçus… Mais où se place l’intérêt des enfants ?
Par ailleurs, rendre l’adoption simple irrévocable, tout en précisant qu’ainsi les liens avec la famille d’origine seront maintenus, peut surprendre car l’irrévocabilité de l’adoption plénière est la conséquence… (justement) de la rupture des liens de l’enfant avec sa famille d’origine !
La délicate question de la recherche des origines des adoptés est évoquée mais nous regrettons qu’elle le soit sur un mode qui nous paraît dépassé. C’est l’abandon, et non l’adoption, qui crée la rupture. Pourquoi faut-il le rappeler ? Sans doute parce que là encore le malentendu est trop souvent entretenu (avec quel bénéfice ?).
Les familles adoptives ont énormément évolué : elles ne sont plus (dans leur immense majorité) des « lieux de silence et de secret ». Aujourd’hui l’adoption est parlée, connue, vécue et assumée ! Les parents par adoption savent qu’ils prennent à un moment donné le relais dans la vie d’un enfant, ils l’accueillent avec son histoire (connue partiellement et / ou en détails)… Ils se préparent à parler à leurs enfants de leurs origines même si ce moment est probablement délicat : délicat, essentiellement, car il s’agit d’apprendre à un enfant les raisons de son abandon.
Enfin, nous nous permettons de rappeler que la création d’un observatoire national de l’adoption fait partie des propositions de notre association dans le rapport remis à l’équipe de J-M. Colombani à l’automne 2007, page 10. A l’heure où les missions des Conseils Généraux vont devoir être redéfinies, nous pensons peu réaliste d’espérer que ceux-ci aient les moyens à court terme de mettre en place des observatoires départementaux… Mais nous appuyons l’idée que le manque de données sur l’adoption en général ne permet pas de poser clairement un quelconque débat qui pourrait faire évoluer la situation des enfants en danger et pour lesquels une mesure d’adoption pourrait être bénéfique.
Combien de rapports faudra-t-il encore pour mettre en oeuvre une véritable réforme de l’adoption?
Qui aura ce courage politique?