Le lundi 28 juillet, Nadine Morano et Rama Yade ont annoncé deux mesures concernant l’adoption.
Pour la secrétaire d’Etat chargée de la famille, il s’agit de rendre plus facile l’adoption des enfants français en modifiant l’article 350 du code civil relatif aux conditions de déclaration d’abandon. Or cet article a déjà été modifié en 2005 afin de supprimer la clause de « grande détresse » qui permettait de protéger les liens entre parents et enfants exposés à de trop grandes difficultés économiques. Et à notre connaissance, le nombre d’enfants déclarés adoptables depuis par la Justice française n’en a pas été modifié.
Les modifications nouvelles envisagées par Mme Morano ne sont pas précisées, non plus que les moyens de les faire accepter et appliquer par les travailleurs sociaux, les juges et les conseils de famille.
Le même jour, à grand renfort de conférence de presse et soutenue par Gérard Dépardieu « , Rama Yade a annoncé de son côté la volonté du MAEE : « envoyer des volontaires internationaux dans les ambassades à l’étranger pour faciliter l’adoption par les familles françaises« .
« La mission de chacun de ces volontaires sera centrée sur la nécessité de sortir les enfants le plus rapidement possible des institutions, en s’appuyant soit sur les ONG locales soit sur les associations internationales actives sur le terrain, en étroite concertation avec les autorités du pays de mission »
Cette mesure ne fait pas partie des préconisations du rapport Colombani. Nul ne sait par qui elle a été proposée… Elle appelle plusieurs remarques :
1) Cette action est lancée en partenariat avec l’association « Volontaires du Progrès« .
Qui sont donc ces « Volontaires du Progrès » ? Une structure bénéficiant en 2007 de 13 millions d’euros de financements publics (le MAEE, des Conseils Généraux…) et privés (SFR, Vinci…) qui forme et envoie dans le monde des « volontaires » afin de mettre en œuvre des projets d’action humanitaire. Un rapport de la Cour des Comptes de 2006 pointe un certain nombre de dysfonctionnements notamment « le cout élevé de cet instrument de coopération ; son activité mal ciblée ; son personnel permanent pléthorique, un siège social hypertrophié et l’absence d’un véritable exercice de la tutelle. » En 2007/2009, la Cour des Comptes continue à s’interroger sur les capacités de l’AFVP d’atteindre les objectifs qu’elle s’est fixés notamment en termes de nombre de volontaires et de mois passés en mission.
Le MAEE passe donc « commande » à l’AFVP et « le premier volontaire arrivera en août à Phnom Penh, avec un budget d’un million d’euros, financé en grande partie par la Fondation Roger Zannier. En 2009, ce programme pourrait être étendu à une vingtaine d’autres pays.
2) Cette annonce médiatique soulève deux autres questions
- Pourquoi le Cambodge ?
Alors même que le rapport Colombani pointait les dérives qui sous couvert de l’AFA avaient abouti à l’adoption d’enfants de ce pays (cf. aussi lettre ouverte de l’association EFA -Enfance et Familles d’Adoption- sans réponse à notre connaissance), une jeune volontaire va donc être envoyée sur place séance tenante. Aura-t-elle eu la formation adéquate ? Par qui lui sera dispensée cette formation ? Comment pourra-t-elle être crédible auprès des autorités locales ?
- Qu’est-ce que la Fondation Roger Zannier ?
Une fondation qui a créé au Cambodge deux orphelinats qui recueillent les enfants en vue de leur adoption. Roger Zannier est président du groupe du même nom, leader de la mode enfantine (marques : Catimini, IKKS, Kid Cool, Z.).
Autrement dit, là où l’AFA n’arrive pas à assumer son rôle d’intermédiaire en vue de l’adoption pour le postulant moyen (c’est-à-dire ne bénéficiant des appuis nécessaires, aux dires de Gérard Depardieu), dans un pays où l’AFA qui en a pourtant largement les moyens a décidé de ne pas recruter de personnel, le MAEE projette d’envoyer une volontaire en s’appuyant sur une association et une fondation privée pour un budget phénoménal (le quart de la subvention annuelle de l’Etat à l’AFA), afin d' »aider les adoptants ».
Rappelons que lorsque les adoptants se rendent sur place, c’est (normalement) parce qu’ils ont déjà été apparentés à un enfant. Toute autre démarche est interdite, le Cambodge ayant signé la Convention de La Haye et passé un accord avec l’AFA et un OAA. A quoi va donc pouvoir être utile la volontaire du projet ?
On peut s’étonner de la présence aux côtés de Rama Yade de l’acteur Gérard Depardieu qui avait déjà annoncé en juin son engagement en matière d’adoption au Cambodge. Il a déclaré le lundi 28 juillet qu’il « utilisera par exemple son carnet d’adresses pour trouver des interlocuteurs afin de financer les Peace Corps ». « Il ne trouve pas normal qu’il faille avoir des relations pour voir un projet d’adoption aboutir dans un laps de temps décent. Il se propose de jouer ce rôle-là pour ceux qui ne font pas partie du monde du spectacle et accélérer leur dossier », souligne-t-on chez la ministre.
Effectivement, Roger Zannier est un ami de G. Depardieu…
Une belle avancée pour l’adoption internationale ?
On sait que certains pays, dont le Vietnam par exemple, demandent aux opérateurs français de l’adoption (AFA et OAA), de mettre en place une contrepartie humanitaire aux attributions d’enfants. Ce dont s’acquittent les OAA. Et ce dont ne peut s’acquitter, pour des raisons liées à son mode de fonctionnement (cela n’a pas été prévu dans ses textes) l’AFA. Lors de nos différents entrevues avec la direction de l’AFA, Mme de Choiseul nous a indiqué qu’elle réfléchissait à une fondation qui, accolée à la Fondation de France, permettrait de remplir cette partie de leurs engagements. Le projet ne semble pas avoir abouti.. les « Peace corps » viendraient-ils le remplacer ? Est-ce le signe d’une volonté du MAEE de reprendre le main sur ce dossier et de replacer l’AFA dans son rôle d’opérateur ?
Le rapport remis par J-M Colombani et son équipe préconisait une série de 32 mesures, après une analyse très poussée et pertinente des dysfonctionnements de l’Adoption en France, et mettait en lumière la nécessité d’une coordination entre ministères sous la responsabilité de l’Autorité Centrale pour l’Adoption (ACAI). Qu’en est-il donc de la mise en oeuvre de ces mesures, pourtant approuvées par le président de la République ? A quand un renforcement des missions de l’ACAI lui permettant de réguler les actions des différents opérateurs, de définir une réelle politique de développement de l’Adoption internationale ? A quand un renforcement de la participation du réseau diplomatique (des professionnels…) ? A quand un cadrage des actions de l’AFA ? Un renforcement et une professionnalisation des OAA ?
Nous espérons que les mesures qui doivent être annoncées le 21 aout seront dans le droit fil des préconisations de l’équipe de J-M. Colombani et permettront enfin aux adoptants de croire en une réelle volonté politique de changer la situation et de permettre un développement de l’adoption internationale en levant les verrous dénoncés dans le rapport pré cité…
Pour information : les propositions de Coeur Adoption sont téléchargeables ci dessous : https://www.coeuradoption.org/propo_2008.pdf
Les mesures proposées pour l’adoption internationale ne répondent en rien aux enjeux ! Pire, elles risquent d’être contre-productives : envoyer des jeunes sans doute très volontaires mais peu crédibles ne palliera pas l’absence de professionnalisme de l’AFA et la faible implication de la partie diplomatique. Il faut mieux cadrer l’ensemble du dispositif et surtout le simplifier, pour éviter la concurrence entre toutes ces instances, qui se fait au détriment des familles. Beaucoup de pays se ferment, peu s’ouvrent, notamment pour les adoptants célibataires.
Pour l’adoption nationale, espérons que les conseils généraux suivront les demandes de Mme Morano. Là encore, la situation des adoptants célibataires, tout simplement ignorés, est aberrante alors que beaucoup ont des projets d’adoption d’enfants « à particularités ». Que les acteurs sociaux ouvrent les yeux ne se décrète hélas pas, mais espérons qu’une dynamique sera donnée pour qu’aucune chance ne passe pour tous ces enfants.
Au lieu de créer des postes et des fonctions, le gouvernement ne devrait-il pas mieux développer les institutions existantes ?
Si j’ai bien compris les jeunes volontaires ne seront que 2 ans sur place. Auront-ils seulement le temps de comprendre les us et coutumes ainsi que les politiques locales ?
Pourquoi ne pas mieux organiser et former les employés de l’AFA ?
Quant à l’adoption nationale il serait bien qu’un fichier national soit créer tant pour les pupilles que pour les postulants.
Merci à Coeur Adoption pour cet article qui montre que, non, tout le monde « ne pense pas d’une même voix », comme on pourrait, hélas, le croire en écoutant les réactions dans les médias aux différents projets concernant l’adoption nationale et internationale…
« Tout ce qui brille n’est pas or ».
Demandez aux adoptés et aux adoptants (les principaux intéressés tout de même!) ce qu’ils pensent de ces propositions et de ces mesures, je ne suis pas sûre qu’ils voient en elles une quelconque amélioration de leur sort.